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Photo du rédacteurTiphaine Dechipre

Jour 8 : Pissos. 100km. Total: 712km.

Wait a minute, on était où ce matin ? Les jours s'enchaînent et j'ai besoin d'un instant pour remettre les choses en place. C'est bon, nous étions dans ce super appart à Saint-André-de-Cubzac. On part à l'heure de mon point de vue, avec cinq minutes de retard selon celui de Simon.


Pied sur la pédale, on démarre et on fonce. Le temps est gris mais pas pluvieux et en plus, qu'est-ce qu'il fait bon ! Ça sent le sud. On avance bien, on arrive rapidement sur Bordeaux.




Visiblement, la ville m'avait manqué. J'apprécie de retrouver le monde, les œuvres d'art taguées sur les murs abandonnés, les bonnes odeurs (en l’occurrence de grillades, allez savoir pourquoi à dix heures du matin) qui remplacent pour mon plus grand plaisir les odeurs de fumiers qui nous accompagnaient jusqu'ici, et tout ce qui nous ramène à la civilisation. Je prends conscience alors que nous avons vécu en autarcie durant cette première semaine. Car même si nous nous ravitaillions, nous ne voyions que nous, nos besoins et notre trajet, oubliant que le monde continue de tourner.


Ce matin, j'ai donc admiré un tableau intitulé "Quotidien" : des ados allant à l'école à vélo, des gens prenant les transports en commun pour aller au travail en passant à côté de ceux qui y étaient déjà, ou encore d'autres s'essoufflant sur des tapis de courses dans une salle de sport. Simon avait envie d'apprendre à ces derniers ce qu'était la vraie galère. Je contemplais ce tableau en étant sincèrement heureuse de ne plus être sur la toile.


On roule mais Simon ne se sent pas dedans aujourd'hui et tout ici l'exaspère : l'obligation de devoir s'arrêter à chaque feu rouge, la circulation difficile et les cyclistes devant lui trop peu pressés. La rase campagne lui réussissait davantage. Il arrive même à s'énerver contre le diamètre de la paille de son Caprisun qui ne lui permet pas d'obtenir le débit de chameau qu'il souhaiterait.






Il aura suffit que la cycliste doublée 15 minutes plus tôt passe tranquillement à côté de nous, lors de cette dernière gorgée pour mettre Simon à terre, littéralement. Je rigole, lui aussi. Je réalise que nous n'avons jamais nos coups de mou au même moment, heureux hasard.


Nous avançons, j'apprécie la beauté de la ville alors que nous ne rentrons même pas en son centre. Sur une piste cyclable aux abords d'un grand axe, Simon s'arrête au feu rouge dédié aux vélos et appuie sur le bouton. Je reste derrière lui tandis qu'un autre cycliste s'arrête à ses côtés, à quelques centimètres à peine. Le gars était sponsorisé par Groupama et la FDJ, son vélo était un poids plume et ses jambes étaient parfaitement épilées (question d'ergonomie afin d'obtenir une vélocité optimum et d'autres termes techniques, vous l'aurez compris). Quoi qu'il en soit, ce feu a mis très TRÈS longtemps avant de repasser au vert, et Simon est assurément un garçon au contact facile mais ces deux cyclistes n'avaient strictement rien à se dire.


Nous empruntons un pont sur lequel la ville avait fait inscrire : "Ici commence la lumière du sud-ouest". Ah bah parfait, c'est bon à savoir au cas où l'on se poserait la question. Nous sortons de la ville et arrivons dans une forêt. Nous nous arrêtons pour, une fois n'est pas coutume, un casse-croûte plutôt qu'une barre de céréales. Simon n'est toujours pas dedans, lorsque nous repartons il se décide enfin à mettre ses écouteurs, ça va aider.


Nous arrivons sur "un cadeau" : une voie verte entourée de pins mais dont les racines n'atteignent pas le bitume. 24 kilomètres pour avancer sans peine, du moins sur le papier. Je me pose encore actuellement la question du pourquoi mais alors que les conditions sont optimales, c'est à ce moment que mes genoux décident de m'en faire baver à nouveau. Simon, lui est au top, il se retourne toutes les dix secondes pour me demander si ça va et une fois rassuré par un pouce en l'air, se remet à tracer la route. 24 kilomètres que je refuse de laisser se transformer en enfer, je trace aussi, je bataille pour ne pas me laisser distancée et parvient à suivre le rythme en oubliant mes genoux qui auront tout le loisir de me faire mal une fois à destination.


Nous avalons ces 24 kilomètres en moins de deux (heures ? Encore heureux !) et poursuivons sur une route des plus agréables également, dans... vous l'aurez compris... une forêt pour ne pas changer ! Nous rencontrons alors le chien le plus heureux du monde, gavé de grands espaces et de plaisirs simples. Il s'élance vers nous à toute allure pour nous faire la fête, nous ralentissons. Ce serait quand même c** de se le prendre sous les roues. Que nenni, ce chien est intelligent, il ne nous fait même pas arrêter notre course et se met à courir à nos côtés. Nous voilà impressionnés par un chien ! Admirez plutôt la bête (désolée pour les dix secondes de trop au début, on sait tous qu'en matière de montage-vidéo je ne vaux pas un clou et je n'ai pas encore eu le temps d'apprendre mais ça viendra !)... (mais pas à minuit 46):




Nous roulions à ce moment à 25 kilomètres / heure. Nous seulement il nous bat à plates coutures, non seulement il maintient la cadence pendant plus d'une demi-heure, mais en plus cette flèche insolente se paye le luxe de piquer une tête dans les fossés devenus baignoires, de faire des détours entre les rangées d'arbres et de pisser gaiement sur les plates bandes de tous ses voisins enfermés dans leur jardin.


Il nous abandonne, encore frais comme un gardon. Soit notre ego a été piqué à vif, soit son énergie a été communicatrice, mais quoi qu'il en soit, nous avons enchaîné les derniers kilomètres à une vitesse folle. Nous étions à bout de souffle mais galvanisés par la route avalée et l'heure d'arrivée que nous faisions avancer à pas de géant. C'est assurément l'étape dont nous sommes le plus fiers jusqu'à présent. 100 kilomètres au programme et parvenir à destination à 16h15. Même Simon a voulu sa photo souvenir.








Nous étions tellement abasourdis par la situation que Simon décide de s'arrêter devant un bureau de tabac. Je ne comprends pas. "Allez, tu vas te débarrasser de ton Astro gagnant à deux euros qui squatte ton porte-monnaie depuis des plombes et tu nous prends deux numéros fétiches, on est le 10 !". J'adore l'idée, c'est parti ! Je rentre chez ce buraliste qui connait visiblement tous ses clients, et oui nous sommes à nouveau dans une petite bourgade qui tire son charme de l'attention que chacun se porte. Pas de Numéro Fétiche, uniquement des Banco, pas grave ça fera l'affaire, d'autant plus que je réalise en écrivant ces lignes que nous avons oublié de les gratter ce soir. Tant pis, la fortune attendra demain !


Petite halte au carrefour du coin. Chargée, j'arrive à la caisse et rigole en voyant Simon de l'autre côté de la vitre en train de s'impatienter. Que veux-tu, le caissier apprenait la bonne nouvelle au monsieur devant moi, sa fille a eu son permis ! Sans rire, j'aime la ville mais j'adore cette ambiance aussi.


Nous arrivons enfin à destination, le logement est carrément splendide. Une douche, un goûter, une sieste, un petit cours de couture pour Simon qui n'avait jamais passé un fil dans une aiguille et je me mets à la popote. Je commence par préparer le dessert : des fraises... d'Espagne, importées sans doute à coup de vélo en seulement trois jours. Elles étaient excellentes. Je m'attelle aux pâtes et catastrophe... pas de sel ! J'adore le sel mais pour Simon, c'est carrément vital.


Il se motive à aller toquer chez les voisins et là, gros choc. D'abord aucune réponse dans plusieurs maisons alors qu'il voyait clairement le monde à l'intérieur. Passons. Enfin, une porte s'ouvre. Plutôt que d'utiliser l'interphone, monsieur se déplace jusqu'au portail en grimaçant. Simon demande poliment ce qu'il était venu chercher et là... LA réponse : "Mais voyons, c'est pas une heure pour venir demander du sel !".


A 19h15 mon cochon ?! Quelle heure t'aurait davantage convenue ?? Simon ne le dérange pas plus que cela et revient me raconter son épopée, j'y crois à peine mais il revient effectivement les mains vides. Il ne veut pas déposer les armes et va tenter à une maison dans l'autre direction. Il revient avec un pot de sel maxi format, merci à cet adorable voisin !


On savoure nos carbos, notre dessert, il fait la vaisselle, je range, j'ouvre un placard et tombe sur... du sel. Il va me tuer mais pas tout de suite. Sans doute dans 815 kilomètres.


Je vous souhaite une bonne journée les filles <3 Même si vous deviez être les seules à me lire, vous imaginer en train de rire devant ces lignes me suffit pour continuer. Merci !

2 Comments


Patricia Hemmerlé
Mar 11, 2020

Super, toujours un bon moment de lecture et de commentaire avec les personnes de mon équipe. bises

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vanilline
Mar 11, 2020

Mercii pour ces 6 belles minutes de lecture ! Pour la dédicace <3

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