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  • Photo du rédacteurTiphaine Dechipre

Jour 16 & 17 : Marmiz forever. Jour 3 & 4 du confinement.



Le 18 mars à midi, je retrouve Anne pour aller au supermarché. Cette fois-ci, je dois m'asseoir à l'arrière et à l'opposé du siège conducteur. Le genre de mesure qui nous fait dire qu'elle est censée être bonne sur le papier mais stupide en réalité puisque l'on sait pertinemment que ces deux personnes se côtoient avant d'être installées sur ces sièges.


Anne se met à me parler en espagnol sans que je m'en rende compte. Ne comprenant pas pourquoi j'étais tout à coup perdue, je réalise seulement qu'elle avait abandonné l'anglais. Elle parlait doucement et traduisait les mots que je ne comprenais pas. Bien sûr, j'étais incapable de répondre dans sa langue. C'est bien là mon objectif, reste à m'imposer la discipline que je repousse depuis deux jours...


Elle m'apprend que dehors, la police est devenue complètement folle, elle verbalise à tour de bras. Déjà deux personnes du coin dont on lui a rapporté qu'elles s'étaient prises une amende de 600 euros. Je me dis que j'ai bien fait de ne pas poursuivre ma route. Même si à l'instant où j'écris ces lignes, je me pose une question que je ne m'étais pas encore posée : pourrais-je échapper à ces contraventions ? Après tout, s'il n'y a pas de distributeur à proximité, j'aurais du mal à leur sortir une liasse de billets. Ainsi, ils devraient me donner le PV ou bien me l'envoyer dans l'espoir que je ne le règle ultérieurement. A creuser...


Une fois devant le Dia, une voiture de police est garée dans un coin du parking et deux agents scrutent l'entrée. Anne me dit de bien garder le ticket de caisse. En effet, ils n'ont pas pensé au système d'attestation imprimable comme en France. Je lui dis que c'est bête qu'ils restent ici puisqu'ils comprennent forcément la raison de notre venue, autrement dit ils ne servent à rien. Anne me répond que c'est pour nous faire sentir que l'on doit se dépêcher. En l’occurrence c'est râpé, un agent au volant qui bayait aux corneilles, un autre faisant les cent pas en grillant sa clope, on a déjà vu plus impressionnant.


Mêmes étapes que la dernière fois mais aujourd'hui, plus de rideau de fer qui monte et qui descend. Les caissières devaient en avoir assez de jouer les portiers. La porte est grande ouverte et les clients gèrent leur entrée eux-mêmes. Alors que je me ballade dans les rayons, j'entend un message dans le haut-parleur. Je ne distingue absolument rien, la nana aurait bien pu réciter toutes les voyelles de l'alphabet que ça m'aurait fait le même effet. Il faut dire qu'ils parlent tellement vite ! Quand j'allume la télé, j'ai envie de mettre pause pour permettre à la présentatrice de respirer.


Anne m'explique qu'il nous est demandé de ne prendre que ce dont nous avons réellement besoin et de faire au plus vite. A partir du moment où on nous dit ça, on a forcément l'impression de prendre trop de temps. Passage à la caisse, puis on rentre. J'étais limite déçue de ne pas avoir à présenter mon petit ticket de caisse plus loin sur la route.


En chemin, elle m'apprend que le lendemain, soit aujourd'hui le 19 mars, sa mère ne travaillera pas car c'est la "fiesta". Il m'aura quand même fallu une trop longue seconde pour réaliser qu'elle me parlait d'un jour férié et non pas d'une fête organisée à la maison. Curieuse, je lui demande ce qu'ils célèbrent, elle me répond qu'elle n'en sait rien. Ça ne me choque pas, en France aussi nous sommes contents de profiter de jours fériés sans parvenir à donner leur origine pour chacun d'entre eux. Ainsi, je viens de faire une recherche pour satisfaire ma curiosité et là, c'est à n'y rien comprendre !


J'apprends donc que le 19 mars est le jour consacré à Saint Joseph, ou San José, l'homme qui a élevé Jésus. Soit. Ils ne sont pas croyants, ce n'est pas là l'information choquante. Mais selon Wikipédia, en Espagne, au Portugal et en Italie, le 19 mars s'apparente au jour de la fête des pères. Je ris doucement en me disant que Wikipédia a ses failles mais non. Après vérification sur d'autres pages, il semble effectivement qu'il s'agisse de la fête des pères. C'est là que je ne comprends plus rien, elle ne saurait pas que c'est la fête des pères ? Ou bien, elle ne voudrait pas célébrer ce si gentil monsieur qui m'a préparé une tortilla à mon arrivée et qui à cet instant, est en train de tailler les haies dans le jardin ?


Elle m'a proposé de venir manger avec eux ce midi. Déjà je n'ai vu le message que trois heures après mais de toute façon, je ne me sentais pas d'y aller dans la mesure où je n'aurais pas réussi à aligner trois mots. En y repensant, c'est très bête et ne manquerai pas d'accepter leur prochaine invitation. J'en saurais peut-être davantage sur cette fameuse fiesta du 19 mars.


J'en reviens donc à ce trajet retour et apprends que le SMIC ici est de 800 euros. Notre SMIC à nous s'apparentant au salaire des classes moyennes. Il est vrai que les courses m'ont paru moins chères qu'en France, mais certainement pas à hauteur de la différence entre nos salaires minimums.


Je déballe mes courses, aspire le poêle à granulés (manœuvre que je connais bien puisque je vois ma mamie le faire depuis des années) et me décide à réellement investir les lieux. Mes deux sacoches sont complètement vides, plus rien ne traîne dans mon sac-à-dos et chacune de mes affaires trouve sa place.


Un quotidien commence à se dessiner, mais celui-ci je l'aime. Au réveil, petite séance de sport avec les moyens du bord : à savoir des briques de lait et de jus de fruit empaquetées dans une de mes sacoches de vélo, et voilà un haltère "marocain by Simon". Il faudra se contenter d'un poids nettement moindre qu'à la salle de sport mais faute de mieux, ça fera l'affaire.


Ensuite, je suis censée partager ma journée en deux : apprentissage de l'espagnol et écriture. Force est de constater que je n'ai pas du tout été assidue ces deux derniers jours. On va se rassurer en se disant "qu'on a bien le droit de profiter un peu". Mais à bien y réfléchir, ce n'est jamais profiter lorsqu'on repousse l'objectif qui nous rendrait heureux.


En effet, ma vision des choses quant à mon avenir proche se dessine plus nettement. Même en l'absence d'annonce officielle, il est clair pour tout le monde que cette situation ne prendra pas fin au bout de quinze jours. Ainsi, tandis que certains s’ennuient sévèrement chez eux, j'ai enfin ce dont j'ai toujours cruellement manqué : du temps.


Un mois pour apprendre l'espagnol dans les meilleures circonstances, un mois pour toucher ma bille en montage vidéo, un mois pour organiser plus précisément la suite de mon périple, un mois pour corriger les fautes qui m'écorchent les yeux dans mes précédentes publications (bon d'accord, ça ce sera fait en une après-midi mais ça trouvait quand même sa place dans l'énumération) mais surtout... un mois pour écrire mon deuxième roman.


Après tout, le premier sort cet été (et oui ! Ne restera plus qu'à harceler les FNAC pour activer les commandes) et je croise les doigts pour une bonne surprise, à savoir qu'il se vende. Dans ce contexte, ce serait bête de ne pas en avoir un deuxième en stock. Or je le vois bien, après mes journées de vélo, je n'ai pas la force d'écrire au-delà de ma publication du jour. L'écrire lorsque je reprendrai la route est donc une utopie. Et une fois que je serai de retour dans la vie réelle, il faudra que je trouve du boulot, ce qui laisse forcément moins de temps pour l'écriture.


Ce post sera donc le dernier (à moins que d'autres choses à raconter ne me tombent dessus, on n'est pas à l'abris) durant la période de confinement. J'ai hâte de reprendre la route, j'ai hâte d'être émerveillée, j'ai hâte de ne rien pouvoir prévoir et j'ai hâte de vous écrire ce que je découvrirai.


Mais avant ça, il va falloir se mettre au boulot parce que rien ne sert de "profiter" lorsqu'on a la chance d'avoir du temps à mettre à profit. Car oui, j'ai aussi hâte de savoir aligner trois mots d'espagnol. Et j'ai hâte d’apposer le mot "FIN" sur ce manuscrit que je n'ai pour l'instant commencé que dans ma tête.


Bon confinement à tous !


PS : en seulement une semaine, l'eau des canaux de Venise est redevenue translucide et les poissons ont réapparu. Cet arrêt temporaire du monde lui fait du bien, faisons en sorte qu'il en soit de même pour nous. Prenez soin de vous, à très vite <3


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