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Photo du rédacteurTiphaine Dechipre

Jour 4 : Châtellerault. 95km. Total : 340km.



Réveil à Montrichard. Une superbe journée s'annonce avec un super beau temps. 9h30. Départ sur les chapeaux de roues. On enquillent les kilomètres, nous prenant même pour les rois de l'asphalte tant notre progression était rapide. Une moyenne avoisinant les 20km/h et de magnifiques descentes nous permettant d'atteindre les 50, cela mettait du baume au cœur au vu de la galère traversée jusqu'alors. On voudrait toujours avancer de la sorte mais la question est inlassablement la même, apprécierions-nous autant notre chance si elle nous était donnée tous les jours ?


En chemin, un seul constat : pas âme qui vive. Nous parvenons à nous perdre dans un désert campagnard, de ceux dont on n'arrive pas à décider si cela fait du bien ou au contraire, est oppressant. Une chose est sûre, lorsqu'on habite ici, l'on n'est pas dérangé par le voisin, et pour cause sa maison se dessine à peine à l'horizon.


Nous poursuivons notre chemin en traversant des villages fantômes dans lesquels les commerçants redoublent d'inventivité lorsqu'il est question de leur devanture. Celle qui m'aura le plus piqué les yeux étant "Sérénity"; Niko, les accents c'est pour toi, c'est cadeau. Nous avons également pu constater qu'il serait bientôt organisé un tournoi de belote dans le deuxième blaid à droite en partant de la souche d'arbre. J'ai voulu prendre l'affiche en photo pour l'envoyer à ma Mathilde, ce jeu étant l'emblème de nos vacances, mais me suis ravisée en sachant pertinemment la réponse de Simon. Il faut dire qu'il n'est pas là pour faire du tourisme. Qu'importe ce sera pour la suite.


Ce jour du 6 mars sonnera également le glas de la première chute... la mienne bien sûr (tristesse car je sais déjà que le suspense n'aura fonctionné sur personne). Ainsi donc pour une bonne chute, il vous faut : une intersection à l'horizon, la seule voiture roulant à ce moment dans le département, une arrivée à pleine vitesse après une belle descente, un Simon toujours soucieux des priorités, un freinage d'urgence et l'ingrédient essentiel, une route mouillée. Efficacité garantie. Je me retrouve donc allongée de tout mon long au milieu de la route, aux côtés de mon vélo dont les roues tournoyaient en l'air et devant récupérer une sacoche échouée deux mètres plus loin.


Simon me demande mille fois si tout va bien, me dit qu'il préfère que je prenne mon temps plutôt que de passer à côté d'une blessure grave. Nul besoin, ma bonne étoile a fait le travail comme toujours (Merci mon Dieu), me laissant simplement une égratignure au coude en guise de souvenir heureux. Maman, je te vois d'ici, tu peux respirer.




Nous arrivons à Châtellerault où nous attendait notre hébergement du soir. Et avec lui, l'histoire du jour. J'ai beaucoup ri depuis le début de cette aventure mais là j'avoue qu'on est passés au stade au-dessus. Simon quant à lui, a rarement (je l'espère) été énervé depuis le début de cette aventure mais là aussi, on est passés au stade au-dessus.


Tout commence la veille, lorsqu'on apprend par message que le fils de notre hôtesse fêtera ses 17 ans au moment de notre passage. C'est tout naturellement qu'on se dit qu'on va lui faire un petit cadeau. Sur la route, on y réfléchit, Simon pense à des jeux à gratter... Mouais, c'est une idée... Et puis, un éclair, qui à cet instant pouvait être qualifié de génie, me vient. Le jeu "Limite limite" ! Une valeur sûre. Simon apprécie l'idée, à cet instant également.


Nous arrivons donc dans la première zone commerciale à l'entrée de la ville; un Intermarché mais pas de magasin de jouets. Je dis qu'on ne trouvera jamais là-dedans. Simon me rétorque qu'on s'en fout, qu'on rentre à l'intérieur et qu'on prend "la première merde venue" (il met ce mot à toutes les sauces, il ne faut pas se formaliser). A ce stade, on rigole encore. Je lui dis que ça ne lui fera pas de mal de se donner un peu de peine pour les autres pour une fois. On se balance des noms d'oiseaux en riant gaiement et je parviens à lui faire chercher sur le GPS le magasin de jouets le plus proche. "Vas te faire foutre, deux kilomètres !". Je lui dis que ce n'est franchement pas grand chose. Lui, voit seulement qu'après 95km, il en a marre. En y repensant, je ne sais même pas comment j'ai fait pour le convaincre. Je crois tout simplement que je n'ai pas eu à le faire, après tout il est gentil Simon.


On fait un kilomètre sur une route agréable et là ! Un fou rire monumental en voyant la montée de la mort qui nous attend. Je ris tellement que je parviens à faire rire Simon qui imagine déjà par quels moyens il pourrait me tuer. J'avance. Il me dit d'y aller seule. Pas de soucis, j'y vais, après 20 mètres, je lui crie "Au bout, c'est par où ?". Les voitures passent, il n'entend rien. A contre-cœur, il se décide enfin à me suivre. Je le vois enfourcher son vélo et ris de plus belle.


Une petite dame âgée me voit galérer dans cette montée et me lance un sympathique "Ah oui, c'est pas facile ici". J'explose de rire et lui demande de ne pas dire ça à celui qui suit car il fait la tête. Il est derrière, je ne sais pas s'il rit aussi ou s'il me maudit uniquement. Nous arrivons enfin au sommet, la magasin est à 50 mètres en contrebas. Deux logiques s'opposent : "Génial, une descente !" vs "Oh ta mère, il faudra se la retaper après". Encore une fois, les rires m'étouffent mais je suis obligée de me cacher de peur que Simon ne m'étrangle à l'aide de la chaîne de vélo. C'est pas grave, j'y vais seule. "Et tu te magnes hein !". Oui chef. "Et je te jure Tiphaine, s'ils ont pas !". Et m****, il y a cette possibilité.


Les nerfs craquent dans le rayon, quand effectivement je constate qu'ils n'ont pas le fameux jeu. Je me rabats sur Blanc, manger, coco. Il y en a mille versions. Laquelle choisir ? Je commence à lire, deux mots, puis l'image flippante de Simon me vient. Hop, je prends la version la plus épicée, ça fera l'affaire. Je demande un paquet cadeau à la caisse et reçois à ce moment un appel de Simon me demandant ce que je fous. Ça n'avait duré que douze minutes, mais il avait tout de même trouvé le temps de s'impatienter et d'appeler un ami pour se plaindre de moi. Je remonte cette fameuse pente, il me demande pourquoi j'ai été si longue, je lui avoue la raison, il jure dans sa barbe invisible et se met en route sans perdre un instant.


Alors qu'il fait toujours attention à moi à chaque intersection, à ce moment-là il fuse sans se retourner. J'aurais pu me faire renverser par un bus qu'il aurait dit "bien fait". Et moi, qui suis flippée de l'avoir sérieusement énervé mais qui ai toujours mal aux joues dès que je repense à la scène. J'en rigole encore en écrivant ces lignes mais dois le faire en sourdine car il ronfle à côté. Si je le réveille, il me fout dans le train direction Paris dès demain.


Quoi qu'il en soit une fois à destination, nous sommes accueillis comme des rois. Seul bémol, qu'un seul lit. On nous donne gentiment un matelas supplémentaire. Vient la question de qui aura quoi. Simon imagine une sorte de pile ou face numéraire aidé du téléphone. Il a quand même le sourire, ça fait plaisir. Je lui dis de laisser tomber, au vu du calvaire dans lequel il a dû me suivre à contre-cœur, je lui laisse le grand lit. Il apprécie le geste et sourit carrément, ça rassure, je ne prends pas encore mon billet retour.


Enfin de compte, Tristan, sa famille et ses amis viennent nous tenir compagnie durant le repas. On leur raconte nos dernières péripéties, ils rigolent avec nous... ou de nous, les deux possibilités étant recevables. Si j'avais su, j'aurais choisi tout autre chose pour son cadeau car il se trouve que Tristan est un formidable artiste possédant un véritable coup de crayon. Heureusement, ses amis étaient là pour le gâter avec plus de précision.



Joyeux anniversaire Tristan !



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