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Photo du rédacteurTiphaine Dechipre

Jour 3 : Montrichard. 74km. Total : 245km

"T'es prête ? Parce qu'aujourd'hui, je crois qu'on va vivre un vrai truc". Voilà ce que m'a sorti Simon alors qu'on quittait notre logement de Lailly-en-Val. Il est vrai qu'il pleuvait déjà à verse lorsque nous sommes montés sur les vélos et cela devait continuer toute la journée. Pour le coup, les annonces météo se sont vérifiées. En plus de ça, un vent énorme. C'est pas grave, la journée de galère commence.


J'ai toujours aimé la pluie, se prendre une bonne saucée dans la mesure où l'on n'est pas en sucre, ça me fait franchement rire. Pas Simon. Il est vrai qu'il réfléchit bien plus aux conséquences que moi. Pour lui, qui dit pluie, dit vêtements trempés, froid, perte d'énergie, cassage de... pieds. Moi, je me dis qu'on surmontera bien les conditions dans lesquelles on sera le moment venu.


C'est ce qu'il s'est passé. On était effectivement trempés jusqu'aux os; il suffisait de serrer le poing pour libérer l'eau emprisonnée dans nos gants, les gouttes déferlaient sans se faire prier. A ce stade, je ne faisais plus attention aux flaques, roulant dedans comme un enfant y sauterait à pieds joints. Nous sommes passés sur des routes inondées, puis par des chemins de forêt boueux. Nous étions dégueulasses, il n'y a pas d'autre mot, "sales" étant un euphémisme à ce stade.


Simon me dit que je tiens bien le rythme et que je peux être contente. Je prends. Quant à lui, il fatigue un peu. Il est vrai que deux éléments rentrent en ligne de compte. D'abord, il est devant. Or, il est bien plus facile de suivre quelqu'un qui fait office de métronome que de s'imposer une cadence lorsqu'on est à la tête du peloton. Enfin, et c'est un aspect plus psychologique, il gère le GPS. Le nez fixé dessus, il voit les minutes qui s'égrènent bien trop lentement à son goût et surtout, le temps d'arrivée estimé reculer à mesure de notre enlisement.


En sortant de la forêt, dans laquelle nous sommes heureux de ne pas avoir eu d'accident tant personne ne nous aurait retrouvés, nous passons devant une jolie maison aux volets bleus, et pourtant nous n'avons d'yeux que pour son magnifique... tuyau d'arrosage. Simon sonne la cloche, la propriétaire nous dit qu'il ne marche pas mais qu'on peut se servir du bac de récupération d'eaux de pluie. Il débordait bien sûr. Une fois propres, nous repartons.


Un soleil magnifique nous accompagnait alors. Encore un plaisir simple dont on profite à cœur joie. Reboostés, nous avançons et profitons du paysage, pour ma part du moins. J'admire les flaques sur le bas-côté, si grandes que tous les arbres pouvaient se contempler dans ce miroir naturel. Je suis impressionnée par le Cher et la Loire qui ont décidé de quitter leur lit pour rappeler à tout le monde qu'elles sont les réelles propriétaires des lieux. Et enfin, je suis désolée par ces innombrables canettes de bière et ces bouteilles en plastique qui ne servent qu'à tacher ce tableau devant lequel je m'émerveillais.


Nous arrivons enfin à Montrichard, charmant village rendu célèbre par le film "Arrête-moi si tu peux" bien que Spielberg ait décidé de snober la réalité, préférant le Québec comme lieu de tournage. Dommage pour lui, il aurait pu passer la porte "Au Petit bonheur", ou bien "Au baiser de Cupidon" ou encore s'attabler "Au cul doré". Ce dernier nom, j'ai moins compris je dois bien l'admettre.


Il nous faut encore faire des courses. Super U à 300 mètres de plus. Bien, le Netto juste à côté de nous fera l'affaire. Une fois les denrées mi-alimentaires/mi-gras transgéniques emballées, nous partons vers la location du soir. Une dernière montée de cent mètres aura été l'apothéose de cette journée.


Nous arrivons dans cette résidence, à l'odeur typique des maisons de retraite (ne me blâmez pas, vous voyez très bien aussi de laquelle je parle). Le propriétaire nous confirmera plus tard qu'il s'agit bien d'une résidence pour seniors. D'un glauque digne du film Shining, jugez par vous-mêmes :



Et pourtant dans les commentaires, nous pouvons lire "Superbe Saint Valentin". ???. Une Saint-Valentin, ici ? Dans ces circonstances ? Avec ces voisins ? Je plains la nana embarquée là-dedans. Quoi qu'il en soit, ayant demandé un lit d'appoint, le propriétaire a vite compris qu'il ne refourguerait pas son option "Pétales de rose sur le lit".


Une fois les sacoches nettoyées de toute la boue et les affaires séchées avec la technique dite "du séchoir marocain" by Simon, à savoir enfermées dans un placard avec un sèche-cheveux en guise de radiateur, la soirée se passe tranquillement. On commence à être rodés : je cuisine pendant qu'il se prend la tête avec les réservations Airbnb, les trajectoires et autres calculs de kilomètres. Une fois le dîner savouré, il dépose enfin les armes et profite de ne rien faire. Il me rappelle tout de même, soucieux pour moi, que j'ai encore du travail. Attention d'autant plus touchante qu'il ne liera jamais mes publications, les jugeant trop longues et pas assez illustrées à son goût. Il est vrai que je ne donne pas dans la BD. Il dors déjà profondément lorsque j'éteins l'ordinateur.




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